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Les batailles
         du dancefloor

            Bienvenue en Jamaïque,
                                dans les années 40.
              

​Une tradition locale émerge chez certains vendeurs ambulants ( dont on peut surement retrouver des équivalences dans d'autres régions du monde). Elle consiste à trimbaler d'énormes enceintes sur leurs petits camions pour attirer les clients. Ils vendent de l'alcool, de la nourriture, ou de l'électroménager. Et ils jouent déjà, d'une façon pour l'instant encore sympathique, à "qui a la plus grosse".

 

 

La création des premiers Sound Systems est d'abord un bizness. On investi dans les meilleurs disques et les meilleurs hauts-parleurs pour vendre plus que les voisins. La compétition entre les Sounds est mise en scène, valorisée, et on n'hésite pas à payer des gros bras pour écraser la concurrence. Petit a petit une vraie contre-culture musicale émerge : du Rhythm and blues américain à la mode dans les années 40, on passe au Rhythm and blues jamaïcain, puis au Ska dans les années 60, au Rocksteady, au Reggae dans années 70, et au Dub. Avec leur lot d'inventions qui vont largement infuser la dance music.

 

 

 

Les Sounds restèrent longtemps les principaux diffuseurs de musique sur l'île, pas de radio, de clubs, et personne n'achète des disques. Les gens mettent leurs plus belles tenues du dimanche pour aller danser devant les caissons. Le goût pour une sono puissante naît ici, avant d'arriver dans les rues américaines où on organisera les Block Parties.

 

 

 

Dans les premiers clubs Disco, Au Loft, au Gallery, on s'appuie sur des ingénieurs du son compétents pour doter le dancefloor d'une sono qualitative. La création musicale évolue avec ce nouveau genre d'expérience musicale : le Dub et le Disco sont des musiques peu à peu conçues pour être écoutées sur ce genre de sono, devant lesquelles on ressent le son physiquement. Au Paradise Garage les amplis sont mis en valeur derrière une vitrine, Larry Levan peaufinera pendant des années leurs réglages, et les clubbeurs auront l'impression de voir tout le bâtiment trembler.

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La culture du sound system émerge en Angleterre, puis dans le reste de l'Europe, et quelques années plus tard, certains clubs allemands comme le Tresor et le Berghain pousserons l'expérience auditive a son paroxysme, aidés par les progrès techniques en matière de sonorisation.


Mais avant ça on assiste à la naissance d'une contre-culture "rave".  Au milieu des années 80, à Chicago, New York, puis en Angleterre, à Ibiza, et en France, en réaction aux législations répressives qui criminalisent la musique "répétitive", qui contraignent les clubs à fermer tôt et interdisent des festivals, de plus en plus de fêtes sont organisées de façon illégale (tout en restant souvent payantes) dans les entrepôts désaffectés, puis en plein air, loin des centres urbains.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

Ce mouvement va participer à la popularisation de la dance music au-delà des communautés gays et noires américaines, et des habitué.e.s des clubs. La musique ne s'arrête pas pendant deux, trois, quatre jours ou plus, favorisant le détachement, l'expérience rituelle d'une sortie hors du temps et des contraintes socio-politiques.

A l'origine plutôt diversifiés musicalement, la vague Acid House et Techno va rapidement prendre le dessus dans ces évènements. On s'éloigne du Disco et de la Hi-Energy, associées à la communauté gay. On se distingue de la Trance qui fait son apparition en Allemagne, qui est rapidement associée à des milieux plus bourgeois, tendance hippie, et qui trouvera sa terre de prédilection à Ibiza. Et comme les raves elles-mêmes finissent par s'embourgeoiser, on se forge une nouvelle identité...


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le mouvement des Free Party qui nait en Angleterre avant d'avoir un impact important en Europe et particulièrement en France à la fin des années 90, développe une culture anti-autoritaire et anti-capitaliste, nourrie par le goût du DIY des travellers anglais.

On s'inspire du courant de dance music industrielle venu de Belgique et des Pays Bas, New Beat, Hard Techno, Hardcore, on garde des influences de House anglaise cachées derrière l'accélération du tempo, la suppression des voix Soul et l'ajout des breakbeats, et ça donne la Tribe ou la Tekno avec ce K qui brouille un peu les pistes en dissimulant ses origines. Une dance music Punk en somme, faite avec les moyens du bord et un esprit de contestation.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour aux sources. On monte des véritables murs d'enceintes au fond d'un champ, un peu comme un battle jamaïcain, mais avec une quantité de matériel plus impressionnante encore. Et là, devant le mur, les sensations sont particulièrement  intenses. Le corps, les oreilles finissent par s'habituer au volume sonore. Le dancefloor naturel, la terre battue par le piétinement des danseuses et des danseurs apporte des sensations spécifiques, maximisant le sentiment d'être enveloppé par la musique, de faire corps avec la foule et, pourquoi pas, avec la terre entière qui palpite sous nos pieds.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Malgré ses beaux idéaux, le milieu des "teufeurs" européen, dans les années 2000, devient très blanc, très hétéro, dominé par des groupes de mecs souvent peu conscients de l'histoire de la dance music et des phénomènes d'appropriation culturelle. Les gays, les queers l'ont déserté, préférant des espaces festifs plus "safe".

 

Ça bouge un peu depuis quelques années. Le mouvement se transforme, s'ouvre à d'autres courants musicaux, reprend peu à peu les couleurs des luttes pour l'émancipation. Les Free Party resteront toujours tributaires de la sono mobile jamaïcaine, impressionnante et conviviale, et des clubs Disco gays américains immersifs et calibrés pour une tribu spécifique. Et au-delà cet héritage, un peu partout dans le monde, organiser une manifestation festive illégale avec un gros Sound System est  devenu un outil social et politique que peuvent s'approprier différentes communautés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Parallèlement, les festivals commerciaux de dance music "électronique" sont devenus un bizness très juteux, toujours plus grandiloquent. Certains évènements, certains clubs restent malgré tout attachés à l'histoire musicale et sociale, ainsi qu'au bien-être des participants. L'esprit du Loft de Mancuso n'a pas totalement disparu.
 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

Les contre-cultures résistent difficilement à la récupération capitaliste. Elles ne sont  jamais totalement détachées de tout intérêt économique. Mais en changeant de visage, et en se réappropriant des savoirs injustement accaparés, elles semblent capables de renaître un peu partout, là où on ne les attend pas, pour offrir de nouveaux espaces d'expression, d'évasion et de résistance populaire.

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Duke Reid
Sound System

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Au carnaval de Notting Hill
en 1983 

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Channel One
Sound System

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3ème marche contre
le Criminal Justice Bill
Londres, 9 octobre 1994

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Castelmorton
Rave, 1992

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Spiral Tribe
Sound System

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Une culture populaire du Sound System assez ancienne, peut-être aussi vieille que la culture jamaïcaine,  s'est développée dans la région du Bengale Occidental en Inde.

Au Brésil, les courants musicaux Baile Funk et Tecno Brega sont intimement liés à la culture des Sound Systems

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Pour creuser un peu..

* Un article sur le clash historique entre les sound systems jamaicains de Duke Reid et Sir Coxone.

* Un site sur la culture des Free Festivals en Angleterre (1967 - 1990).

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* Le bouquin Free Party - Une histoire, des histoires de Guillaume Kosmicki.

* Une interview de Vincent Rosenblatt sur les scenes Baile Funk et Tecno Brega au Brésil.

* Un article sur la culture Sound System au Bengale Occidental.

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