

...mais y font quoi derrière leurs machines ?
Pas grand chose ? Ou de la magie ?
"Voilà les disques que tu vas passer. Ça c'est pour le vendredi,
ça c'est pour le samedi. Et tu termines toujours par celui-là."
Voilà le travail à la base. Pas de place pour l'impro, pas le temps d'aller digger des nouveaux morceaux chez le disquaire. Le DJ on le voit pas, c'est un employé de l'ombre. Et il rêve d'être un artiste. Pour certains ce rêve va peu à peu se réaliser dans les années 60 / 70, à l'époque de la Northern Soul en Angleterre, et du Disco à New York.
Ils (les DJs resteront longtemps, à de rares exceptions près, très majoritairement masculins) vont sortir de l'anonymat, se distinguer les uns des autres, et révolutionner le métier en devenant très vite, et un peu tout à la fois : sélectionneurs de disques, organisateurs de soirées, directeurs artistiques, créateurs de systèmes de sonorisation, d'outils de mixage, techniciens du son... et musiciens.
C'est cette ambition folle qui a créé l'aura mystique qui a fini par entourer certains DJs, et qui persiste encore aujourd'hui. Sans doute plus que les techniques de mix, le scratch ou le callage au tempo.
Cassons le mythe : le génie artistique, ça n'existe pas. Le talent c'est un héritage, avec un peu de travail certes, mais pas forcément beaucoup. On copie, et on transmet, en apportant des petites touches souvent insignifiantes. Si c'est fait avec passion, c'est déjà beaucoup.
Dès de départ, y'a les bons et les mauvais DJs, c'est comme les chasseurs. Les mauvais se prennent un peu trop au sérieux, alors qu'ils sont surtout de bons vendeurs. Les bons sont des passeurs, ils s'effacent derrière l'histoire de la musique, et on les oublie. Ou inversement. Dr Jeckyl et Mr Hyde, on est forcément un peu les deux à la fois, on penche souvent d'un côté ou de l'autre mais c'est pas toujours très clair, on a parfois du mal a se positionner.
Jusqu'à aujourd'hui on retrouve cette ambivalence, la ou le DJ met souvent en avant un style de Dance Music très spécifique, cantonné à une époque, à quelques labels, qui correspondent généralement au style de musique qu'il produit lui-même (quand elle ou il composent également des morceaux). Plus rarement, ils ou elles creusent plus profondément dans l'histoire, et dans l'expérimentation musicale.
Dans tous les cas faire danser le public c'est toujours, au moins en partie, lui donner ce qu'il a envie d'entendre. Alors on joue avec ça. On cède parfois à la facilité, et on se rapproche dangereusement de l'employé de boite de nuit, avec sa playlist imposée, sans surprise, parce que "c'est ça qui marche", ou c'est ça que les gens attendent de nous.
Et c'est un peu vrai. La curiosité du public elle vient rarement toute seule, faut la provoquer, la nourrir, et la caresser. Mais c'est respectable aussi, pourquoi pas, de se contenter de servir la soupe, bien chaude, et pas trop assaisonnée.

La double platine fabriquée par Bob Casey pour lui-même en 1977.

Grand Master Flash

Ron Hardy
Pour creuser un peu :
Last Night a DJ Saved My Life, un bouquin de Bill Brewster et Franck Broughton.
Une histoire des DJs et de la dance music, des origines radiophoniques, puis des premiers clubs, du phénomène précurseur des soirées Northern Soul en Angleterre, en passant par l'invention jamaïcaine de la culture du sound system, le Disco, le Hip Hop, la House, la Techno...
Un point de vue anglo-saxon assez instructif sur cette histoire aux racines plutôt afro-américaines, avec ses ponts et allers-retours vers l'europe.